Tandis que les différences propres et sales, les singularités et toutes choses plaisantes disparaissent du monde actuel et réel, les rêveuses continuent de hanter les plages des villes à la mer, la nuit.
Elles se souviennent de Baudelaire et de son recueillement « Sois sage, homme à douleur. et tiens-toi plus tranquille » me disent-elles, « je me recueille sur Sijilmassa et les civilisations disparues d’Afrique ». Le choeur des femmes est immense, il est un et se partage entre toutes aussi peuvent-elles dire « Je » tout en étant plus , ou moins, nombreuses. Je le sais, et, impressionné par leur puissante voix douce, émerveillé par les miracles qu’elles produisent parfois, sous mes yeux, je me tais. Alors, elles reprennent leur rêverie, et pour me complaire gentiment, pour que je les écoute plus attentivement elles la parent des chutes de mon habit.
« Il fut un temps où les femmes régnaient sur la civilisation, car vois-tu pour coudre, c’est à dire piquer, tirer, rapprocher, froncer ici pour donner de l’aisance ailleurs, les femmes sont meilleures. » C’est ce qu’elles disent alors que
« Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci. »
Et sans mot dire elles dessinent une tour en se servant de la pluie tombant d’un petit nuage qui passait par là. Cette tour comme un phare devrait rallier à elle un peuple , qui comme moi ne se souvient plus de rien, saoulé par les professions de foi, courbé sur l’abyme des lacs qu’on lui tend, enragé dans les fils de discours circulaires, étouffé dans des noeuds gardiens. Elles me disent, mes rèveuses du bord de l’eau, mes sirènes, pour m’encourager, parlant de ces vils fétards mortels aux vifs retards plein de remords :
« Loin d’eux. Vois se pencher les défuntes Années,
Sur les balcons du ciel, en robes surannées ;
Surgir du fond des eaux le Regret souriant »
Et en effet je me souviens que d’humanité il suffit de peu pour qu’elle disparaisse et encore moins pour qu’elle réapparaisse d’un souffle, d’un baiser. Je comprends leur dessin. Voila ce qui m’arrive parfois après avoir vu
« Le Soleil moribond s’endormir sous une arche,
Et, comme un long linceul traînant à l’Orient,
Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche. »
lorsque je déambule sur un rivage au bord d’une ville qui fut folle et discrète, aux beautés cachées sous un bleu de travail, et n’est plus que la plastique beauté de bourgeois imbéciles, et malgré tout savants, les mêmes dont se gaussait Poquelin et qui l’admirent maintenant.
Leurs villes sont blanches comme les sels qu’ils répandent sur les terres. « Ils sont sources de nos richesses, aussi plantons les car la terre nous les multipliera ! » , disent-ils.
Leurs idées sont blanches comme le papier où ils les recopient mot à mot, lettre à lettre.
Leurs enfants sont blancs comme la faïence froide des paillasses où ils ont été conçus.
« Sois sage, homme à douleur. et tiens-toi plus tranquille » murmurent les réveuses à mon oreille, elles me disent que des papillons parfois rêvent d’être des sages, aussi.
Réfèrences :
Les villes invisibles ( agenda ironique de janvier)
https://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/charles_baudelaire/recueillement
https://carnetsparesseux.wordpress.com/lagenda-ironique-kezaco/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Sijilmassa
un très joli écrit poétique que voici …
ça faisait une éternité que tu somnolais dans les bras de ces rêveuses …
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Merci pour la musique très apaisante.
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moi aussi elle m’a apaisée …
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Jolies villes de pisé et en brique crue, chaudes et silencieuses, résistantes à tous les vents. Tendres images et souvenirs 😉 Merci de ta poésie
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J’aime beaucoup ton illustration également 😉
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merci.
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La poésie chante dans l’entre-deux par ici ! Toute la douceur froufroute en silence sous les arches du temps, pour mieux faire rêver les papillons graciles.
Tout est dans l’ambiance qui émane des mots, ouateuse, amortie, légère et vaporeuse.
Superbe !
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Texte émouvant, chantant les femmes…merci
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wahhh ! je reste coi ; enfin, non, je fais l’effort de me décoiter une seconde pour dire que je suis vraiment épaté. Tu le dis tout simplement, tout justement et avec quelle force. wahhh !
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Beau récit, comme un conte ancestral…
J’ai beaucoup aimé.
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